Retailleau : permis de ressasser
La zad est l’obsession du petit Bruno, il n’en sort pas, il la voit partout, tout le temps, et par là-même il nous flatte. Peut-être même un peu trop, à force, cela devient gênant, on en rougirait : « Il faut dénoncer la responsabilité du président de la République dans cette affaire. La réalité est qu’il a donné un permis de casser aux casseurs. C’est à Notre-Dame-des-Landes qu’est née cette autorisation de casser, et le fait implicite qu’en France on pouvait obtenir gain de cause par la violence. Voir les Champs-Élysées saccagés, les commerces pillés, les voitures de policiers et de gendarmes attaquées… c’est Notre-Dame-des-Landes sur les Champs-Élysées. »
Juste retour…
Certains auteurs non seulement s’inspirent des luttes, viennent sur place pour mieux les comprendre, y construisent des liens d’amitié… mais aussi trouvent des manières de renvoyer l’ascenseur à celles et ceux qui leur ont procuré la matière pour leur œuvre. Ainsi Alessandro Pignocchi, auteur de la BD La Recomposition des Mondes, ou Jade Lindgaard, coordinatrice de l’ouvrage Éloge des Mauvaises Herbes, ont-ils décidé de reverser une partie des bénéfices de la vente de ces livres au fonds de dotation La terre en commun. On attend de voir si Thomas Azuelos fera de même…
Acte manqué
Si vous aviez consulté le site du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique (CNSAD) cet hiver, vous auriez remarqué un alléchant teaser pour Zone à étendre de Mariette Navarro, une nouvelle pièce, montée par les élèves eux-mêmes : « Dans ce spectacle onirique, esthétique et engagé, ils interrogeront ensemble des formes alternatives de vie en collectivité. » Il s’avère que le seul réel engagement est de s’y déguiser en zadistes et de construire des cabanes sur scène. En effet, au même moment, une discussion a lieu entre d’autres élèves et la directrice du conservatoire à propos du lieu où se pourrait se tenir leur atelier estival « hors les murs ». Certains d’entre eux choisissent la zad et le collectif du Laboratoire d’Imagination Insurrectionnelle, qui vit sur la zone, a déjà travaillé dans des écoles de théâtre, et est prêt à organiser avec eux un atelier sur la performance et la désobéissance. Mais la directrice de la CNSAD a d’autres idées « Je soutiens la zad de tout mon cœur, leur déclare-t-elle, même ma nièce y a vécu. Mais si je dis oui à cet atelier, je risque mon poste. » Il est donc acceptable pour les étudiants de prétendre être révolutionnaires, mais rencontrer le sujet même de leur travail serait beaucoup trop dangereux…
Il y a fort à parier que le monde de la culture continue de s’emparer des luttes de la zad ou des Gilets Jaunes, tant elles sont d’évidentes inspirations. Mais dans la plupart des cas, le résultat n’est qu’une représentation enclose dans l’espace sécurisé du théâtre ou de la galerie, contemplée de loin, sans aucune prise sur la réalité du terrain. N’est-il pas temps que la créativité des artistes soit appliquée à de nouvelles formes de rébellion et de vie plutôt que les fantasmes vampiriques de la culture ?