Muni d’une cagette déter’ pour chaque gréviste, le Réseau de Ravitaillement du pays nantais s’est rendu ce mois de juillet sur le piquet des métallos de Descours et Cabaud (DCA). Tout commence par une tournée des paysans solidaires. Fromage blanc, yaourt et tomme de vache, bière de la brasserie du Bouffay, jus de pomme d’un paysan blinois, pâtes artisanales, farine et galettes de la meunerie de Saint-Jean-du-Tertre, confitures maison, légumes sortis des potagers et de fermes maraîchères, etc. La collecte de ces denrées chez chaque paysan est l’occasion de colporter des nouvelles des métallos en lutte. Puis, après la confection des cagettes, c’est la livraison. Sous un soleil de plomb, nous roulons vers l’usine. Après un slalom entre les barricades, nous arrivons au piquet, avec son traditionnel feu de pneus. Nous distribuons les cagettes, certains repartent avec en scooter.
Dans la grève, il y a toujours une part de fixité. Piquet, arrêt des machines, blocage… L’acier – si précieux – ne sort plus de l’usine en flux tendu pour irriguer les chantiers du pays nantais. Au silence de la cadence enfin rompue, s’ajoute la fixité des parties en présence qui camperont sur leurs positions jusqu’à faire lâcher l’adversaire.
Qui lâchera le premier ? Les métallos, en bas, avec leurs braseros, leurs barricades de pneus, leurs merguez et leurs épiques parties de foot sur les docks ? Ou les types, en haut, cadres de DCA qui regardent la situation d’un air catastrophé, un œil sur les chiffres de la multinationale et l’autre sur le piquet de grève ? Le premier qui lâche a perdu. « On se tient par la barbichette », comme dans nos jeux enfantins. Le temps se dilate.
Une fois franchi un certain seuil, tout retour en arrière est impossible. Ils le savent. Cesser la grève sans obtenir gain de cause est impensable. La direction joue la montre, misant sur l’épuisement et l’asphyxie économique des ouvriers. L’intelligence et la détermination des métallos réside dans leur capacité à s’extirper du huis clos de l’usine, du « site » ; à construire des formes nouvelles de circulation et de solidarité.
D’un côté, ils ouvrent l’usine en y invitant, malgré les vacances estivales, des travailleurs solidaires, des syndicalistes et des groupes d’horizons divers, et de l’autre ils sortent eux-mêmes de l’usine. Ils poursuivent et accélèrent leur « voyage à Nantes ». Ils s’amassent, devant la préfecture, les locaux de l’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie), ou encore ceux du MEDEF. Plus incongru, le temps d’une journée d’action, ils se joignent aux salariés des « machines de l’île ». Prolétaires de l’acier et de l’industrie culturelle se retrouvent. Ils interrompent ensemble, pour une journée, le ballet mécanique de ces absurdes artefacts contemporains qui dansent pour les touristes sur les ruines de la Nantes ouvrière. Le chauffeur de l’éléphant est en grève.
Mais le voyage ne se cantonne pas au pays nantais. Les métallos poussent le bouchon plus loin en envoyant une délégation sous les fenêtres de la direction de Descours et Cabaud… à Lyon ! Ils entrent en contact avec d’autres sites de l’entreprise en France pour parler de leur grève, et rendre ainsi possible son extension éventuelle. Où les mènera la prochaine étape du voyage ? À suivre…